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CHRISTOPHE COLOMB.

politique consommé. Avant l’âge où l’homme apprend par la triste expérience à connaître les hommes, il les devinait. Son seul défaut était une certaine incrédulité et une certaine froideur qui viennent de la défiance et qui ferment le cœur à l’enthousiasme et à la magnanimité.

Mais ces deux vertus qui lui manquaient à un certain degré étaient compensées dans ses conseils par la tendresse d’âme et par l’abondance de cœur et de génie d’Isabelle. Jeune, belle, admirée de tous, adorée de lui, instruite, pieuse sans superstition, éloquente, pleine de feu pour les grandes choses, d’attrait pour les grands hommes, de confiance dans les grandes pensées, elle imprimait au cœur et à la politique de Ferdinand l’héroïsme qui vient du cœur et le merveilleux qui vient de l’imagination. Elle inspirait, il exécutait. L’une trouvait sa récompense dans la renommée de son époux, l’autre sa gloire dans l’admiration et dans l’amour de sa femme. Ce règne à deux, qui devait devenir presque fabuleux pour l’Espagne, n’attendait, pour s’immortaliser à jamais entre tous les règnes, que l’arrivée de ce pauvre étranger qui venait implorer l’entrée du palais de Cordoue la lettre d’un pauvre moine à la main.

Cette lettre, lue avec prévention et incrédulité par le confesseur de la reine, n’ouvrit à Colomb qu’une longue perspective d’attente, de refus d’audience et de découragement. Les hommes n’ont d’oreilles pour les pensées hardies que dans la solitude et dans le loisir. Dans le tumulte des affaires et des cours, ils n’ont ni bienveillance ni temps. Colomb fut repoussé de toutes les portes, « parce qu’il était étranger, dit l’historien Oviedo, contemporain de ce grand homme, parce qu’il était pauvrement vêtu, et parce qu’il n’apportait aux courtisans et aux ministres d’autre recommandation que la lettre d’un moine franciscain solitaire, depuis longtemps oublié des cours. »

Le roi et la reine n’entendirent même pas parler de lui ;