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CHRISTOPHE COLOMB.

lui était adverse, continuait a bien espérer de ce génie méconnu et a le protéger. Elle faisait réserver à Colomb une maison ou une tente dans toutes les haltes de la cour. Son trésorier était chargé d’entretenir le savant étranger, non en hôte importun qui mendie des secours, mais en hôte distingué qui honore le royaume et que les souverains veulent retenir à leur service.

Ainsi s’écoulèrent plusieurs années, pendant lesquelles le roi de Portugal, le roi d’Angleterre et le roi de France, ayant entendu parler par leurs ambassadeurs de cet homme étrange qui promettait un nouveau monde aux rois, firent tenter Colomb par des propositions d’entrer à leur service. La tendre reconnaissance qu’il avait vouée à Isabelle et l’amour qu’il portait a dona Béatrix Enriquez de Cordoue, déjà mère de son second fils Fernando, lui firent écarter ces offres et le retinrent à la suite de la cour. Il réservait à la jeune reine un empire en retour de sa bonté pour lui. Il assista au siége et à la conquête de Grenade ; il vit Boabdil rendre à Ferdinand et à Isabelle les clefs de cette capitale, les palais des Abencérages et la mosquée de l’Alhambra. Il fit partie du cortége des souverains espagnols à leur entrée triomphale dans ce dernier asile de l’islamisme. Il voyait au delà de ces remparts et de ces vallées de Grenade d’autres conquêtes et d’autres entrées triomphales dans de plus vastes possessions. Tout lui semblait petit, comparé à ses pensées.

La paix qui suivit cette conquête, en 1492, motiva une seconde réunion d’examinateurs de ses plans à Séville, pour donner leur avis à la couronne. Cet avis, combattu en vain comme à Salamanque par Diego de Deza, fut de rejeter les offres de l’aventurier génois, sinon comme impies, au moins comme chimériques et compromettantes pour la dignité de la cour d’Espagne, qui ne pouvait autoriser une entreprise sur d’aussi puérils fondements. Fer-