Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 35.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
223
CHRISTOPHE COLOMB.

dinand, influencé néanmoins par Isabelle, adoucit la dureté de cette résolution du conseil en la communiquant à Colomb. Il lui fit espérer qu’aussitôt après la tranquille possession de l’Espagne par l’expulsion achevée des Maures, la cour favoriserait de ses subsides et de sa marine l’expédition de découverte et de conquête dont il l’entretenait depuis tant d’années.

En attendant, sans trop d’illusions, l’accomplissement toujours ajourné des promesses du roi et des désirs plus sincères d’Isabelle, Colomb tenta deux grands seigneurs espagnols, le duc de Medina-Sidonia et le duc de Medina-Celi, de faire à leurs frais cette entreprise. L’un et l’autre possédaient des ports et des navires sur la côte d’Espagne. Ils sourirent d’abord à ces perspectives de gloire et de possessions maritimes pour leur maison, puis ils les abandonnèrent par incrédulité ou par indifférence. L’envie s’acharnait sur Colomb, même avant qu’il l’eût méritée par un succès ; elle le persécutait, comme par anticipation et par instinct, jusque dans ses espérances ; elle lui disputait ce qu’elle appelait ses chimères. Il renonça de nouveau avec larmes à ces tentatives. La froideur des ministres à l’écouter, l’obstination des moines à repousser ses idées comme une impiété de la science, les vaines promesses et les éternels ajournements de la cour le jetèrent, après six années d’angoisses, dans un tel découragement, qu’il renonça définitivement à toute sollicitation nouvelle auprès des souverains de l’Espagne, et qu’il résolut d’aller offrir son empire au roi de France, dont il avait reçu quelques provocations.

Ruiné de fortune, abattu d’espérances, épuisé d’attente, et le cœur brisé par la nécessité de s’arracher à l’amour qui l’attachait à doña Béatrix, il partit de nouveau de Cordoue à pied, sinon avec les perspectives de l’avenir, du moins pour aller retrouver son fidèle ami, le prieur Juan