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CHRISTOPHE COLOMB.

Perès, au monastère de la Rabida. Il se proposait d’y reprendre son fils Diego, qu’il y avait laissé, de le ramener à Cordoue, et de le confier, avant son départ pour la France, à dona Béatrix, mère de son fils naturel, Fernando. Les deux frères, élevés ainsi par les soins et dans l’amour de la même femme, contracteraient l’un pour l’autre cette tendresse fraternelle, seul héritage qu’il eût à leur laisser.

Des larmes coulèrent des yeux du prieur Juan Perès en voyant son ami a pied, vêtu plus misérablement encore que la première fois, frapper à la porte du monastère, attestant assez, par le dénûment de ses habits et par la tristesse de son visage, l’incrédulité des hommes et la ruine de ses espérances. Mais la Providence avait caché de nouveau le ressort de la fortune de Colomb dans le cœur de l’amitié. La foi du pauvre moine dans la vérité et dans l’avenir des découvertes de son protégé, au lieu de l’abattre, le roidit, l’indigna et s’obstina charitablement contre ses disgrâces. Il embrassa son hôte, gémit et pleura avec lui ; mais, rappelant bientôt toute son autorité, il envoya chercher au palais le médecin Fernandez, l’ancien confident des mystères de Colomb, Alonzo Pinzon, riche navigateur de ce port, et Sébastien Rodriguez, pilote consommé de Lépi. Les idées de Colomb, déroulées de nouveau devant ce petit conseil d’amis, fanatisèrent de plus en plus l’auditoire. On le supplia de rester, de tenter encore la fortune, de conserver à l’Espagne, quoique incrédule et ingrate, la gloire d’une entreprise unique dans l’histoire. Pinzon promit de concourir de ses richesses et de ses vaisseaux à l’armement de la flottille immortelle, aussitôt que le gouvernement aurait consenti à l’autoriser. Juan Pères écrivit, non plus au confesseur de la reine, mais à la reine elle-même, intéressant sa conscience autant que sa gloire à une entreprise qui rejetterait des nations