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CHRISTOPHE COLOMB.

entières de l’idolâtrie à la foi. Il fit parler la terre et le ciel, il trouva la persuasion et la chaleur dans la passion de la grandeur de sa patrie et dans l’amitié. Colomb, découragé, se refusant à porter cette lettre à une cour dont il avait tant éprouvé les lenteurs et les inattentions, le pilote Rodriguez se chargea de la porter lui-même à Grenade, où la cour résidait alors. Il partit, accompagné des vœux et des prières du couvent et des amis de Colomb à Palos. Le quatorzième jour après son départ, on le vit revenir triomphant au monastère. La reine avait lu la lettre de Juan Pères ; elle avait retrouvé à cette lecture toutes ses préventions favorables pour le Génois. Elle mandait à l’instant le vénérable prieur à la cour, et elle faisait dire à Colomb d’attendre au couvent de la Rabida le retour du moine et la résolution du conseil.

Juan Perès, ivre du bonheur de son ami, fit seller sa mule sans perdre une heure, et se mit en route la nuit même, seul, à travers les pays infestés par les Maures. Il sentait que le ciel protégeait en lui le grand dessein qu’il avait en dépôt dans son ami. Il arriva : les portes du palais s’ouvrirent à son nom ; il vit la reine ; il ralluma en elle, par l’ardeur de sa propre conviction, la foi et le zèle qu’elle avait conçus d’elle-même pour ce grand œuvre. La marquise de Maya, favorite d’Isabelle, se passionna par enthousiasme et par piété pour le protégé du saint religieux. Ces deux cœurs de femme, allumés par l’éloquence d’un moine pour les projets d’un aventurier, triomphèrent des résistances de la cour. Isabelle envoya à Colomb une somme d’argent prise sur son trésor secret pour qu’il achetât une mule et des vêtements, et qu’il se rendît immédiatement à la cour. Juan Perès, restant auprès d’elle pour soutenir son ami de ses démarches et de son crédit, fit passer ces heureuses nouvelles et ce secours d’argent à la Rabida par un messager, qui remit la lettre et la somme au