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CHRISTOPHE COLOMB.

médecin Fernandez de Palos pour être transmises à Colomb.

Colomb, ayant acheté une mule et pris un serviteur, arriva à Grenade, et fut admis à débattre ses plans et ses conditions avec les ministres de Ferdinand. « On voyait alors, écrit un témoin oculaire, un homme obscur et inconnu suivre la cour, confondu par les conseillers des deux couronnes dans la foule des solliciteurs importuns, repaissant son imagination dans le coin des antichambres du pompeux projet de découvrir un monde ; grave, mélancolique et abattu au milieu de l’allégresse publique, il semblait voir avec indifférence l’achèvement de cette conquête de Grenade, qui remplissait d’orgueil un peuple et deux cours : cet homme était Christophe Colomb ! »

Les obstacles cette fois vinrent de Colomb. Sûr du continent qu’il offrait à l’Espagne, il voulait, par respect pour la grandeur même du présent qu’il allait faire au monde et à ses souverains, stipuler, pour lui et pour ses descendants, des conditions dignes, non de lui-même, mais de son œuvre. En manquant d’un légitime orgueil, il aurait cru manquer de foi en Dieu et de dignité en sa mission. Pauvre, seul et éconduit, il traitait en souverain des possessions qu’il ne voyait encore que dans ses pensées. « Un mendiant, disait Fernandez de Talavera, chef du conseil, fait les conditions d’un roi aux rois. » Il exigeait le titre et les privilèges d’amiral, la puissance et les honneurs de vice-roi de toutes les terres qu’il adjoindrait par ses découvertes à l’Espagne, la dîme à perpétuité, pour lui et pour ses descendants, de tous les revenus de ces possessions. « Singulières exigences d’un aventurier, s’écriaient ses adversaires dans le conseil, qui lui attribueraient préalablement le commandement d’une flotte et la possession d’une vice-royauté sans limites, s’il réussit dans son entreprise, et qui ne l’engage en rien s’il ne réussit pas, puisque sa misère actuelle n’a rien a perdre. »