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GUILLAUME TELL.

Conduisez-le sur une barque ; je vais y aller sur-le-champ, je le conduirai moi-même à Kussnacht.

Le curé. — Vous ne l’oserez pas faire, l’empereur ne l’oserait pas ; cela est contraire à nos lettres de franchise.

Gessler. — Où sont-elles ? l’empereur les a-t-il confirmées ? Il ne les a pas confirmées ; c’est par votre obéissance que vous obtiendrez cette faveur. Vous êtes des rebelles envers la justice de l’empereur, vous entretenez des projets audacieux de révolte. Aujourd’hui je saisis cet homme au milieu de vous, mais vous êtes tous coupables comme lui. Que celui qui est sage apprenne à se taire et à obéir. (Il s’éloigne ; Berthe, Rudens, Rodolphe et des hommes d’armes le suivent. Friesshardt et Leuthold restent.)

Walther Furst, dans une violente douleur. — Il part, il a résolu de me perdre, moi et toute ma famille.

Stauffacher, à Tell. — Oh ! pourquoi avez-vous rallumé la rage de ce furieux ?

Tell. — Peut-on se maîtriser quand on éprouve une telle douleur ?

Stauffacher. — Ah ! c’en est fait ! c’en est fait ! avec vous, nous sommes tous enchaînés et tous asservis. (Tous les paysans environnent Tell.) Avec vous s’en va notre dernier espoir.

Leuthold s’approche. — Tell, ton sort m’attendrit ; pourtant, il faut que j’obéisse.

Tell. — Adieu.

Walther, avec désespoir et s’attachant à lui. — Oh ! mon père, mon père, mon père chéri !

Tell, levant les bras au ciel. — Là-haut est ton père, invoque-le.

Stauffacher. — Tell, ne dirai-je rien à votre femme de votre part ?

Tell prend son fils avec tendresse. — L’enfant est sain et sauf, Dieu me secourra. (Il s’éloigne, et suit les gens du gouverneur.)

Laissons la poésie, reprenons la tradition, cette autre poésie de la vérité.

Gessler, maître de Guillaume Tell, mais craignant