Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 36.djvu/109

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
108
MADAME DE SÉVIGNÉ.

éclatent dans ses lettres avec un accent de sainte opposition qui absout de servilité sa dévotion ; elle lisait beaucoup les Essais de Nicole. Ce philosophe stoïque du détachement des choses humaines la persuadait.

« Je poursuis cette Morale de Nicole, que je trouve délicieuse ; elle ne m’a encore donné aucune leçon contre la pluie, mais j’en attends : car j’y trouve tout, et la conformité à la volonté de Dieu pourrait me suffire, si je ne voulais un remède spécifique. Enfin je trouve ce livre admirable ; personne n’a encore écrit comme ces messieurs ; car je mets Pascal de moitié à tout ce qui est beau. On aime tant à entendre parler de soi et de ses sentiments, que, quoique ce soit en mal, on en est charmé. J’ai même pardonné l’enflure du cœur en faveur du reste, et je maintiens qu’il n’y a point d’autre mot pour expliquer la vanité et l’orgueil, qui sont proprement du vent : cherchez un autre mot, j’achèverai cette lecture avec plaisir. »

 

« Je lis M. Nicole avec un plaisir qui m’enlève ; surtout je suis charmée du troisième traité, des moyens de conserver la paix avec les hommes : lisez-le, je vous prie, avec attention, et comme chacun s’y trouve, et philosophes, et jansénistes, et molinistes, et tout le monde enfin ; ce qui s’appelle chercher au fond du cœur avec une lanterne, c’est ce qu’il fait ; il nous découvre ce que nous sentons tous les jours, et que nous n’avons pas l’esprit de démêler, ou la sincérité d’avouer ; en un mot, je n’ai jamais vu écrire comme ces messieurs-là. »

 

Vous savez que je suis toujours un peu entêtée de mes lectures. Ceux à qui je parle ont intérêt que je lise de bons livres. Celui dont il s’agit présentement, c’est cette Morale de Nicole ; il y a un traité sur les moyens d’entretenir la paix entre les hommes, qui me ravit. Je n’ai jamais rien vu