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MADAME DE SÉVIGNÉ.

de plus utile, ni si plein d’esprit et de lumières : si vous ne l’avez pas lu, lisez-le ; si vous l’avez lu, relisez-le avec une nouvelle attention : je crois que tout le monde s’y trouve ; pour moi, je suis persuadée qu’il a été fait à mon intention ; j’espère aussi d’en profiter, j’y ferai mes efforts. Vous savez que je ne puis souffrir que les vieilles gens disent : « Je suis trop vieux pour me corriger » ; je pardonnerais plutôt aux jeunes gens de dire : « Je suis trop jeune. » La jeunesse est si aimable qu’il faudrait l’adorer, si l’âme et l’esprit étaient aussi parfaits que le corps ; mais, quand on n’est plus jeune, c’est alors qu’il faut se perfectionner, et tâcher de regagner par les bonnes qualités ce qu’on perd du côté des agréables. Il y a longtemps que j’ai fait ces réflexions, et, par cette raison, je veux tous les jours travailler à mon esprit, à mon âme, à mon cœur, à mes sentiments. Voilà de quoi je suis remplie, et de quoi je remplis cette lettre, n’ayant pas beaucoup d’autres sujets. »

 

« Voilà les tours que me fait mon imagination à tout moment ; il me semble toujours que tout ce que j’aime, que tout ce qui m’est bon, va m’échapper ; et cela donne de telles détresses à mon cœur, que, si elles étaient continuelles comme elles sont vives, je n’y pourrais pas résister ; sur cela il faut faire des actes de résignation à l’ordre et à la volonté de Dieu. M. Nicole n’est-il pas encore admirable la-dessus ? J’en suis charmée, je n’ai rien vu de pareil. Il est vrai que c’est une perfection un peu au-dessus de l’humanité, que l’indifférence qu’il veut de nous pour l’estime et l’improbation du monde ; je suis moins capable que personne de la comprendre ; mais, quoique dans l’exécution on se trouve faible, c’est pourtant un plaisir que de méditer avec lui, et de faire réflexion sur la vanité de la joie ou de la tristesse que nous recevons d’une telle fumée ; et a force de trouver un raisonnement vrai, il ne serait pas im-