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MADAME DE SÉVIGNÉ.

pêchaient pas de proclamer Bossuet et Bourdaloue les maîtres de la chaire sacrée, et de s’extasier à leur prédication. Sa dévotion cependant, conforme en cela aux autres sentiments de son âme, sacrifie tout à son unique passion pour sa fille ; elle était plutôt une science qu’une inspiration, un devoir de sa vie qu’un élan de son âme. La foi apprise en faisait le fond, la piété tendre n’y était pour rien, elle croyait plus qu’elle n’adorait.

« Je viens de classer ma petite bibliothèque en une matinée, dit-elle. J’ai apporté ici une quantité de livres, je les ai rangés ce matin ; on ne met pas la main sur tel que ce soit sans qu’on ait envie de le lire tout entier, toute une tablette de dévotion. Bon Dieu ! quel point de vue pour honorer notre religion ! L’autre tablette est toute d’histoire admirable ! l’autre de morale, l’autre de poëtes, et de nouvelles, et de mémoires, les romans sont méprisés et ils ont gagné les petites armoires. Quand je rentre dans ce cabinet, je ne comprends pas pourquoi j’en sors ! Il serait digne de vous, ma fille ! »

Les plus hautes questions de métaphysique sacrée se jouent alors sous sa plume avec la même souplesse de mouvement que les badinages de sa pensée. Elle soutient, en les modérant par son sens exquis, les théories sur la grâce et sur l’action de Dieu dans les créatures, sorte de fatalité chrétienne de ses amis de Port-Royal. Une femme, simple disciple, corrige, en les expliquant, les apôtres.

« Vous lisez donc saint Paul et saint Augustin ? Voilà les bons ouvriers pour rétablir la souveraine volonté de Dieu ; ils ne marchandent point dire que Dieu dispose de ses créatures. Comme le potier, il en choisit, il en rejette ; ils ne sont point en peine de faire des compliments pour sauver la justice, car il n’y a point d’autre justice que sa volonté : c’est la justice même, c’est la règle, et, après tout, que doit-il aux hommes ? Que leur appartient-il ? Rien