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MADAME DE SÉVIGNÉ.

blent aux confidents sur la scène ; ils écoutent, ils sont là, pour remplir le vide du théâtre et pour donner la réplique aux personnages ; ils ont besoin d’autant d’intelligence et de finesse que les premiers rôles, mais ils n’ont pas besoin d’autant de passion, et les applaudissements ne sont pas pour eux.

Corbinelli n’avait rien de cette vanité française qui veut être regardée, il lui suffisait de jouir. Italien de naissance, indifférent comme un étranger, lettré comme un Florentin de la grande époque philosophique et poétique de Léon X, amené en France par le cardinal Mazarin, employé quelques années à Rome par ce ministre a des négociations secondaires, où il avait eu le secret des grandes affaires politiques dénouées par son adresse sans en avoir le mérite apparent et la récompense, Corbinelli était resté à Paris vivant d’une pension médiocre, et ne désirant rien de plus que son loisir. Il cultivait pour lui-même les lettres, l’antiquité, l’histoire, la philosophie, la société éminente de son temps. C’était un Saint-Évremond italien, égal aux plus grands esprits, mais craignant la peine que donne la recherche-de la gloire, et se renfermant par paresse autant que par défaut d’ambition dans le rôle d’amateur. Il avait été un des premiers à sentir l’exquise supériorité de grâce attique dans madame de Sévigné, et il avait fait d’elle sa Béatrix. Son admiration, son assiduité, son culte qui ne demandait aucun retour, l’avaient apparenté dans la maison ; il était devenu l’homme nécessaire ; madame de Sévigné, d’abord charmée de son esprit, puis touchée de sa constance et de son désintéressement, avait fini par parler et par sentir tout haut devant lui ; tout cœur qui bat fortement dans la poitrine a besoin de s’entendre dans un autre cœur. Corbinelli était l’écho de l’esprit, de l’âme et de la vie de madame de Sévigné. Il partageait par complaisance ou par prévention jusqu’à ses adorations maternelles pour