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BOSSUET.

teur des bénéfices ecclésiastiques, avait fait donner à son père un canonicat à Metz. Il considérait les biens de l’Église comme un patrimoine de famille. Il ne se faisait aucun scrupule d’en disposer largement pour les siens. Ce n’était pas cupidité, c’était habitude du temps. L’autel, selon lui, devait honorer et rétribuer amplement le prêtre. Il avoue plusieurs fois, dans des lettres à ses amis, lettres que nous avons sous les yeux, cette nécessité de l’aisance pour le ministre de la parole sacrée. « Quant a moi, dit-il, mon esprit n’aurait pas sa liberté dans les gênes d’une existence étroite et mal assurée. Il ne faut pas que celui qui est chargé de penser aux autres soit contraint par ses embarras personnels de rétrécir sa vie et son âme en se repliant sans cesse sur d’abjectes nécessités. » Voilà le sens et presque les expressions de ces lettres, franchise d’un homme qui se sent supérieur à la fortune, mais qui l’apprécie non comme une condition de jouissance, mais comme une condition de liberté.

Bossuet administra lui-même les sacrements à la mort de son père, mêlant les prières et les larmes ; fils et pontife à la fois, et ouvrant, à celui qui lui avait ouvert la vie, l’éternité.

Revenu à Paris après ce deuil, il fut jeté avec la passion du zèle à travers les controverses ardentes du jour entre les protestants et les jansénistes. Ces nouveaux apôtres inspirés par Arnauld, Nicole, Pascal, en combattant un schisme, menaçaient l’Église d’une secte. Hommes de piété cénobitique, de vertus absolues, de logique inflexible, d’éloquence indomptée, ils exagéraient la vertu. C’étaient les Lacédémoniens du christianisme. On avait eu peur de leurs excès de sainteté : on avait prétendu découvrir dans leur chef de doctrine, Jansénius, des textes répréhensibles aux yeux de l’orthodoxie, textes que les uns affirmaient exister dans les livres de ce docteur hollandais, dont les autres niaient même l’existence.