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BOSSUET.

auditoire dans ce recueillement et dans ce silence où l’on craint de faire retentir le bruit de ses pas devant le vide du sépulcre, et de respirer trop haut de peur d’être entendu de la mort.

Où trouver cette scène, cet homme, cette tribune, cette voix, dans les annales de l’esprit humain ? Bossuet avait inventé le frisson de la mort et l’éloquence de l’éternité.

Bossuet sentit lui-même le contre-coup de son âme sur l’âme de son auditoire.

L’abbé de Rancé, son ancien condisciple, esprit excessif comme tous les esprits légers, qui avait passé de la volupté à l’ascétisme, s’était précipité vivant dans le tombeau du monastère de la Trappe. Là, le solitaire, comme saint Jérôme, entretenait sa piété lugubre par la contemplation de crânes humains, vidés par les vers du sépulcre. Bossuet, en faisant une allusion enjouée à cet ameublement de la cellule du converti, lui écrivit : « Je vous envoie deux oraisons funèbres qui, parce qu’elles font voir le néant du monde, peuvent avoir place parmi les livres d’un solitaire ; en tout cas, on peut les regarder comme deux têtes de mort assez touchantes ! »

L’artiste, on le voit et ce badinage sévère, se jugeait avec complaisance dans le panégyriste chrétien ! Ce néant n’était pas seulement pour lui un sujet de méditation, il était un texte d’éloquence.

Il suivait, en effet, du même pas sa double carrière de saint vers le ciel et de politique vers le pouvoir. Louis XIV, à qui tant de triomphes oratoires le rappelaient a propos, le nomma, après ce discours, précepteur de son fils. L’archevêque de Paris ; Péréfixe, et le chancelier Letellier l’avaient recommandé pour ces fonctions. Le duc de Montausier, gouverneur du jeune prince, homme jaloux de faveurs, mais plus jaloux de piété, favorisa l’ambition de Bossuet. Le roi l’admit avec complaisance : le roi n’aimait