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MILTON.

gers, plus impartiaux, pressentent un homme avant ses compatriotes.

Milton ne devait tromper aucun de ces augures ni aucune de ces amitiés des hommes éminents de l’Italie : disons en deux mots sa vie.

C’est un caractère du temps actuel de prendre plus d’intérêt à l’homme qu’au livre. Ce qu’on veut du livre, c’est l’homme. Que serait le Tasse sans ses amours et sa prison ? Que serait Jean-Jacques Rousseau sans ses Confessions ? Que serait Voltaire lui-même sans sa correspondance ? L’humanité semble devenue tout historique ; elle s’étudie, elle s’analyse, elle se contemple elle-même dans chacun des hommes éminents qui composent un siècle. Le livre ment, l’homme jamais ; sa vie le révèle malgré lui. Voilà. pourquoi les belles biographies à la façon de Plutarque sont devenues, de nos jours, la partie la plus transcendante de l’histoire. Un homme vous illumine tout un temps.

Milton, né d’un père et d’une mère nobles, vivant dans une terre des environs de Londres, après avoir été formé à l’étude des lettres a l’université de Cambridge, et après avoir donné des symptômes de supériorité d’esprit dans des poèmes latins admirés des érudits, avait été envoyé en Italie par son père, pour s’exercer au monde et aux lettres avant l’âge des affaires et de la politique. Il y prolongea pendant de longues années son séjour, séduit par la douceur du climat, par la grâce des femmes, par la poésie des sites et des hommes, par des amitiés illustres avec les grands patrons des poëtes du temps, et par la mollesse de l’air de Naples, qui s’infiltre dans les veines, et qui fait oublier tout, même la gloire et la patrie. Il l’avoue lui-même, dans ces vers écrits par lui dans la langue du Tasse :

« J’ai oublié la Tamise pour le voluptueux Arno.

» Ainsi l’a voulu l’Amour, qui ne veut jamais rien en vain ! »

On voit qu’il y avait à Florence ou à Pise une autre