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cices que l’homme puisse donner à son cœur comme à sa pensée. Le philosophe, l’homme politique, le poëte, doivent avoir beaucoup voyagé. Changer d’horizon moral, c’est changer de pensée.




3 septembre 1832.


Nous nous réveillons en pleine mer. Nous ne voyons plus les côtes blanches de cette île, ni le sommet arrondi de l’Olympe. La mer est calme comme un vaste lac ; une brume épaisse et argentée borde de toute part l’horizon. Une faible brise paresseuse et inégale vient par moments mourir dans nos larges voiles. Un soleil de plomb brûle les planches du pont, que nous arrosons pour le rafraîchir. Tout le monde est couché sur les barres ou sur les cordages, sans parole, sans mouvement, le front ruisselant de sueur. L’air manque à la respiration ; c’est un véritable simoûn sur la mer. Il semble qu’on respire d’avance la moite et brûlante réverbération des sables du désert, dont nous sommes encore à cent cinquante lieues. Les journées se passent ainsi. On n’a pas la force de parler, pas même la force de lire. J’entr’ouvre quelquefois la Bible pour y chercher ce qui concerne le Liban, premières cimes qui doivent bientôt frapper nos yeux. Je lis l’histoire d’Hérode dans l’historien Josèphe.