Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/171

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trades crénelées, ces fenêtres à ogives multipliées, ces grilles de bois peint qui les fermaient hermétiquement comme un voile de la jalousie orientale, ces têtes de palmiers qui semblaient germer dans la pierre, et qui se dressaient jusqu’au-dessus des toits, comme pour porter un peu de verdure à l’œil des femmes prisonnières dans les harems, tout cela captivait nos yeux et nous annonçait l’Orient : nous entendions le cri aigu des Arabes du désert qui se disputaient sur les quais, et les âpres et lugubres gémissements des chameaux, qui poussent des cris de douleur quand on leur fait plier les genoux pour recevoir leurs charges. Occupés de ce spectacle si nouveau et si saisissant pour nos yeux, nous ne songions pas à descendre dans notre patrie nouvelle. Le pavillon de France flottait cependant au sommet d’un mât sur une des maisons les plus élevées de la ville, et semblait nous inviter à aller nous reposer, sous son ombre, de notre longue et pénible navigation.

Mais nous avions trop de monde et trop de bagages pour risquer le débarquement avant d’avoir reconnu le pays et choisi une maison, si nous pouvions en trouver une. Je laissai ma femme, Julia et deux de mes compagnons sur le brick, et je fis mettre le canot à la mer pour aller en reconnaissance.

En peu de minutes, une belle lame plane et argentée me jeta sur le sable ; et quelques Arabes, les jambes nues, m’emportèrent dans leurs bras jusqu’à l’entrée d’une rue sombre et rapide qui conduisait au consulat de France. Le consul, M. Guys, pour qui j’avais des lettres, et que j’avais même déjà vu à Marseille, n’était pas arrivé. Je trouvai à