Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/262

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bas âge. Giorgios-Bey et son frère Abdalla les élevèrent avec soin, dans l’espérance qu’ils ranimeraient un jour le parti de Joussef, et renverseraient l’émir Beschir ; mais celui-ci triompha de tous ces obstacles, et jouit paisiblement du pouvoir jusqu’en 1804.

Des événements de la plus haute importance se passaient en Égypte : Bonaparte, entré en Syrie avec un corps d’armée, arrivait devant Saint-Jean d’Acre, qui devait lui ouvrir les portes de l’Orient. Le général français engagea, par des lettres pressantes et des émissaires, le prince du Liban à entrer dans ses intérêts, et à l’aider à se rendre maître de la place. L’émir Beschir répondit qu’il était disposé à se réunir à lui ; mais qu’il ne le ferait qu’après la prise d’Acre. Un Français reprochait un jour à l’émir de n’avoir pas embrassé avec enthousiasme la cause de l’armée française, et d’avoir peut-être par là empêché la régénération de l’Orient ; il lui répondit :

« Malgré le vif désir que j’avais de me joindre au général Bonaparte, malgré la haine profonde que j’avais vouée au pacha, je ne pus embrasser la cause de l’armée française. Les quinze ou vingt mille hommes que j’aurais envoyés de la montagne n’eussent rien fait pour le succès du siége. Si Bonaparte eût enlevé la place sans mon assistance, il aurait envahi la montagne sans combat, car les Druzes et les chrétiens le désiraient ardemment ; j’aurais donc perdu mon commandement : au contraire, si j’eusse aidé le général Bonaparte et que nous n’eussions pas emporté la place (ce qui serait arrivé), le pacha d’Acre m’eût fait pendre, ou jeter dans un cachot. Qui m’aurait secouru