Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/264

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vaux, on lui ouvrirait les portes de la ville ; sinon, qu’ils accepteraient la guerre, et mourraient plutôt les armes à la main que de se rendre.

Djezar-Pacha n’avait pas à réfléchir longtemps : il savait qu’il était haï des Turcs aussi bien que des chrétiens, à cause de ses exactions ; il n’ignorait pas non plus que si l’émir Jôussef venait à connaître sa position, il se liguerait avec les mameluks, et lui ferait une guerre qui pourrait lui devenir fatale.

Il accorda aux mameluks ce qu’ils demandaient, et ceux-ci s’éloignèrent rapidement, tandis que le pacha entrait dans la ville. À peine Djezar fut-il dans son palais, qu’il expédia sa cavalerie à la poursuite des fuyards ; mais ce fut en vain : les mameluks arrivèrent sains et saufs en Égypte. Djezar se vengea alors sur ses femmes ; il les fit toutes fustiger, ensuite jeter dans une grande fosse, puis recouvrir de chaux vive. Il excepta de cette exécution atroce sa favorite, qu’il fit parer de ses bijoux et de ses plus beaux habits, puis enfermer dans une caisse et jeter à la mer.

Cet événement assombrit le caractère de Djezar. Il était avare et spoliateur ; il devint farouche et cruel : il ne parlait plus que de couper des nez, d’abattre des oreilles, d’arracher des yeux. Au moment de sa mort, ne pouvant plus parler, ni ordonner d’exécutions, il faisait signe à ceux qui l’entouraient, en montrant le chevet de son lit. Heureusement il ne fut pas compris. On trouva après sa mort une longue liste de personnes qu’il avait condamnées à mourir