Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 6.djvu/395

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menses grèves du désert d’Égypte, où l’horizon n’est interrompu de temps en temps que par le profil d’un chameau qui s’avance avec l’ondoiement d’une vague ; et sur les cimes vertes et jaunes des innombrables bois d’orangers qui se pressent autour de la ville. Tous les costumes des habitants ou des voyageurs qui animent ces routes sont pittoresques et étranges. Ce sont des Bédouins de Jéricho ou de Tibériade, revêtus de l’immense plaid de laine blanche ; des Arméniens aux longues robes rayées de bleu et de blanc ; des Juifs de toutes les parties du globe et sous tous les vêtements du monde, caractérisés seulement par leurs longues barbes, et par la noblesse et la majesté de leurs traits : peuple roi, mal habitué à son esclavage, et dans les regards duquel on découvre le souvenir et la certitude de grandes destinées, derrière l’apparente humiliation du maintien et l’abaissement de la fortune présente ; des soldats égyptiens vêtus de vestes rouges, et tout à fait semblables à nos conscrits français par la vivacité de l’œil et la rapidité de la marche. On sent que le génie et l’activité d’un grand homme ont passé en eux, et les animent pour un but inconnu. Enfin ce sont des agas turcs passant fièrement sur le chemin, montés sur des chevaux du désert, et suivis d’Arabes et d’esclaves noirs ; de pauvres familles de pèlerins grecs assis au coin d’une rue, mangeant dans une écuelle de bois le riz ou l’orge bouillis, qu’ils ménagent pour arriver jusqu’à la ville sainte ; et de pauvres femmes juives à demi vêtues, et succombant sous l’énorme fardeau d’un sac de haillons, chassant devant elles des ânes dont les deux paniers sont pleins d’enfants de tout âge. Mais revenons à nous.

Nous marchions gaiement, essayant de temps en temps