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la vitesse de nos chevaux contre celle des chevaux arabes que montaient MM. Damiani et les fils du vice-consul de Sardaigne. Ces deux jeunes gens, fils d’un riche négociant arabe de Ramla établi maintenant à Jaffa, avaient voulu nous accompagner jusqu’à Ramla : ils avaient envoyé, le matin, leurs esclaves pour nous préparer la maison de leur père et le souper. Nous étions suivis encore d’un autre personnage qui s’était joint volontairement à notre caravane, et qui nous surprit par la bizarre magnificence de son costume européen : c’était un petit jeune homme de vingt à vingt-cinq ans, d’une figure joviale et grotesque, mais fine et spirituelle. Il avait un immense turban de mousseline jaune, un habit vert de la forme de nos habits de cour, à collet droit et à larges basques, brodé de larges galons d’or sur toutes les coutures ; des pantalons collants de velours blanc, et des bottes à revers, ornées d’une paire d’éperons à chaînes d’argent. Un kandgiar lui servait de couteau de chasse, et une paire de pistolets, incrustés de ciselures d’argent, sortaient de sa ceinture et battaient contre sa poitrine.

Sorti d’Italie dans son enfance, il avait été jeté en Égypte par je ne sais quelle vague de fortune, et se trouvait, depuis quelques années, à Jaffa ou à Ramla, exerçant son art dans les montagnes de Judée aux dépens des scheiks et des Bédouins, qui ne faisaient pas sa fortune. Sa conversation nous amusa beaucoup, et j’aurais désiré l’emmener avec moi à Jérusalem et dans les montagnes de la mer Morte, qu’il paraissait connaître parfaitement ; mais ayant vécu en Orient depuis plusieurs années, il y avait contracté l’invincible terreur que les Francs y prennent de la peste, et au-