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de beauté avec les sites que baignent les mers du Midi. La mer est aux scènes de la nature ce que l’œil est à un beau visage ; elle les éclaire, elle leur donne ce rayonnement, cette physionomie qui les fait vivre, parler, enchanter, fasciner le regard qui les contemple.




Même jour.


Il est nuit, c’est-à-dire ce qu’on appelle la nuit dans ces climats. Combien n’ai-je pas compté de jours moins éclairés sur les flancs veloutés des collines de Richmond en Angleterre, dans les brumes de la Tamise, de la Seine, de la Saône, ou du lac de Genève ! Une lune ronde monte dans le firmament ; elle laisse dans l’ombre notre brick noir, qui repose immobile à quelque distance du quai. La lune, en avançant, a laissé derrière elle comme une traînée de sable rouge dont elle semble avoir semé la moitié du ciel ; le reste est bleu, et blanchit à mesure qu’elle approche. À un horizon de deux milles à peu près, entre deux petites îles, dont l’une a des falaises élevées et jaunes comme le Colisée à Rome, et dont l’autre est violette comme des fleurs de lilas, on voit sur la mer le mirage d’une grande ville ; l’œil y est trompé : on voit étinceler des dômes, des palais aux façades éblouissantes, de longs quais inondés d’une lumière douce et sereine ; à droite et à gauche, les vagues blanchissent et