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liquides de l’éther, ne portant sur rien, planant par une force intérieure sur le vide azuré d’un universel firmament.


Plusieurs jours et nuits semblables passés en pleine mer ; calme plat, ciel de feu ; les vagues roulent immenses du golfe Adriatique dans la mer d’Afrique : ce sont de vastes cylindres légèrement cannelés, et dorés, le matin et le soir, comme les colonnes des temples de Rome ou de Pœstum.


Je passe les journées sur le pont ; j’écris quelques vers à M. de Montherot, mon beau-frère :


PENSÉES EN VOYAGE


 
Ami, plus qu’un ami, frère de sang et d’âme.
Dont l’humide regard me suivit sur la lame ;
À travers tant de flots jetés derrière moi,
À travers tant de ciel et d’air, je pense à toi ;
Je pense à ces loisirs que nous usions ensemble
Au bord de nos ruisseaux, sous le saule ou le tremble ;
À nos pas suspendus, à nos doux entretiens,
Qu’entremêlaient souvent ou tes vers ou les miens ;
Tes vers, fils de l’éclair, tes vers, nés d’un sourire,
Que tu n’arraches pas palpitants de ta lyre,
Mais que, de jour en jour, ta négligente main
Laisse à tout vent d’esprit tomber sur ton chemin.