Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont roulé sur les flancs de la colline, et sont couchés dans la boue à nos pieds. Le jour baisse, la pluie augmente, et nous n’avons pas le temps de monter au temple. Cette colline passée, nous ne marchons plus que dans l’eau jusqu’aux genoux de nos chevaux. À chaque instant, un de nos mulets glisse et roule avec nos bagages dans les fossés, d’où nos moukres le retirent avec peine. Nous faisons marcher un Arabe à vingt pas en avant de la caravane, pour sonder le terrain ; mais, arrivés au milieu de la plaine, à l’endroit où le ruisseau de Balbek a creusé son lit, le sol nous manque, et il faut traverser à la nage un intervalle de trente à quarante pieds. Mes Arabes, se jetant à l’eau et soutenant la tête des chevaux, parviennent à passer ma femme et une femme de chambre anglaise qui l’accompagne ; nous passons nous-mêmes à la nage, et nous touchons tous la rive opposée. La nuit est presque complète : nous nous hâtons de traverser le reste de la vallée, pendant que nous avons assez de crépuscule pour nous guider.

Nous passons près d’une ou deux masures habitées par une tribu féroce d’Arabes de Balbek. S’ils nous attaquaient dans ce moment, nous serions à leur merci : toutes nos armes sont hors d’état de faire feu. Les Arabes nous regardent du haut de leurs terrasses, et ne descendent pas dans le marais. Enfin, au moment où la nuit tombe sur nous, la plaine commence à se relever, et nous sommes à sec sur les bords qui touchent au Liban. Nous nous dirigeons sur la lumière lointaine qui scintille à trois lieues de nous, dans une gorge de montagne : ce doit être la ville de Zarklé. Accablés de lassitude, transis de froid et mouillés jusqu’aux os, nous atteignons enfin les premières collines qui portent