Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 7.djvu/247

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fondée depuis peu d’années dans une gorge, sur les dernières racines du Liban ; elle doit son rapide et prodigieux accroissement aux familles persécutées des chrétiens arméniens et grecs de Damas et de Homs. Elle compte environ huit à dix mille habitants, fait un grand commerce de soie, et s’augmente tous les jours. Protégée par l’émir Beschir, souverain du Liban, elle n’est plus inquiétée par les excursions des tribus de Balbek et de l’Anti-Liban. Les habitants, industrieux, agricoles et actifs, cultivent admirablement les collines qui descendent de la ville dans la plaine, et se hasardent même à cultiver les parties du désert les plus rapprochées. L’aspect de la ville est très-extraordinaire : c’est une réunion confuse de maisons noires, bâties en terre, sans symétrie et sans régularité, sur deux pentes rapides de deux coteaux séparés par un fleuve. La gorge, d’où le fleuve descend avant de couler dans la ville et dans la plaine, est un large et profond encaissement de rochers perpendiculaires qui s’écartent pour laisser passer le torrent ; il roule de plateaux en plateaux, et forme trois ou quatre cascades en larges nappes, qui occupent toute la largeur de ces plateaux, gradins successifs. L’écume du torrent couvre entièrement les rochers, et les bruits de ses chutes remplissent les rues de Zarklé d’un murmure sourd et continuel. Quelques maisons assez élégantes brillent entre la verdure des peupliers et des hautes vignes, au-dessus des chutes du fleuve. Là est la maison de refuge de notre ami Baudin ; une autre est un couvent de moines maronites. Le fleuve, après avoir traversé les maisons de la ville, qui sont groupées et suspendues de la manière la plus bizarre sur ses hautes rives, et pendantes sur son lit, va arroser des terres et des prairies étroites, où l’industrie des