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un endroit solitaire, causant avec un Bédouin tout déguenillé. Je lui demandai avec surprise quel plaisir il trouvait dans la conversation d’un tel personnage, ne pouvant ni comprendre son arabe ni lui faire entendre le sien. « Le jour où j’ai eu le bonheur de causer avec un Bédouin, me répondit-il, est un des jours les plus heureux de ma vie. — En ce cas, repris-je, vous serez souvent au comble du bonheur, car nous rencontrerons continuellement des gens de cette espèce. »

Il me fit acheter des galettes (pain du pays) et du fromage, et les donna à Hettal (c’était le nom du Bédouin), qui prit congé de nous en nous remerciant. Le 22 février, nous partîmes de Nuarat-el-Nahaman, et, après six heures de marche, nous arrivâmes à Khrau-Cheikhria ; puis le lendemain, après neuf heures, à Hama, ville considérable où nous n’étions connus de personne, M. Lascaris n’ayant pas apporté de lettres de recommandation. Nous passâmes la première nuit dans un café, et nous louâmes le lendemain une chambre dans le kan de Asshad-Pacha. Comme je commençais à ouvrir les ballots et à préparer des marchandises pour vendre, M. Lascaris me dit d’un air mécontent : « Vous n’avez en tête que votre misérable commerce ! Si vous saviez combien il y a de choses plus utiles et plus intéressantes à faire ! » D’après cela, je ne songeai plus à rien vendre, et je fus parcourir la ville. Le quatrième jour, M. Lascaris, se promenant seul, pénétra jusqu’au château, qui tombe en ruine. L’ayant examiné attentivement, il eut l’imprudence de commencer à en prendre les dimensions. Quatre vagabonds qui jouaient secrètement sous un arceau brisé se jetèrent sur lui, le menaçant de le dénoncer comme