Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/147

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Nous marchions depuis deux heures, lorsque nous vîmes au loin s’élever une poussière qui venait à nous, et bientôt nous pûmes distinguer six cavaliers armés. À peine Hassan les a-t-il aperçus, qu’il quitte sa pelisse, prend sa lance, et court à leur rencontre en nous criant de ne pas avancer. Arrivé près d’eux, il leur dit que nous sommes des marchands allant à Palmyre, et qu’il s’est engagé, devant le scheik Selim et tout son village, à nous y conduire en sûreté. Mais ces Bédouins de la tribu el-Hassnné, sans vouloir rien écouter, courent sur nous : Hassan s’élance pour leur barrer le chemin ; ils veulent le repousser, et le combat s’engage. Notre défenseur était connu pour sa vaillance ; mais ses adversaires étaient également braves. Il soutint leur choc pendant une demi-heure ; à la fin, blessé d’un coup de lance qui lui traverse la cuisse, il se retire vers nous, et bientôt tombe de cheval. Les Bédouins se mettent en devoir de nous dépouiller ; alors Hassan, étendu par terre, le sang ruisselant de sa blessure, les apostrophe en ces termes : « Que faites-vous, ô mes amis ? Voulez-vous donc violer les droits des Arabes, les usages des Bédouins ? Ceux que vous dépouillez sont mes frères, ils ont ma parole, j’ai répondu de tout ce qui pourrait leur arriver de fâcheux, et vous les dévalisez ? Est-ce agir d’après l’honneur ? — Pourquoi vous êtes-vous engagé à conduire des chrétiens à Palmyre ? lui répondirent-ils. Ne savez-vous pas que Mehanna-el-Fadel (le scheik de leur tribu) est le chef du pays ? Comment n’avez-vous pas demandé sa permission ? — Je le sais, reprit Hassan ; mais ces marchands étaient pressés ; Mehanna est encore loin d’ici. Je leur ai engagé ma parole, ils y ont eu foi ; ils connaissent nos lois et nos usages, qui ne changent jamais. Est-il digne de vous de