Page:Lamartine - Œuvres complètes de Lamartine, tome 8.djvu/15

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quand il n’était animé ni par le vin, ni par le bruit des coups de fusil, ni par la contradiction dans les conseils, on le voyait souvent rester une journée entière sans proférer une parole.

Presque tous les hommes qui ont fait ou qui sont destinés à faire de grandes choses, sont avares de paroles. Leur entretien est avec eux-mêmes plus qu’avec les autres ; ils se nourrissent avec leurs propres pensées, et c’est dans ces entretiens intimes qu’ils puisent cette énergie d’intelligence et d’action qui constitue les hommes forts. Napoléon ne devint causeur que quand son sort fut accompli, et que sa fortune fut à son déclin. Inflexible défenseur de la justice et de l’ordre, Kara-George fit pendre son propre frère, qui avait attenté à l’honneur d’une jeune fille.

Ce fut en janvier 1806 que plusieurs armées pénétrèrent à la fois en Servie. Békir, pacha de Bosnie, et Ibrahim, pacha de Scutari, reçurent de la Porte l’ordre d’y porter toutes leurs forces. Békir y envoya deux corps d’environ quarante mille hommes. Ibrahim s’avança du côté de Nissa à la tête d’une armée formidable. Kara-George, avec des forces très-inférieures en nombre, mais animées d’un invincible patriotisme, pleines de confiance dans leurs chefs, et protégées par les forêts qui couvraient leurs mouvements, repoussa toutes les attaques partielles de Békir et d’Ibrahim. Après avoir culbuté Hadgi-Bey près de Pelzka, il marcha sur l’armée principale qui se retirait sur Schabaz, l’atteignit, et la défit complétement à Schabaz, le 8 août 1806. Kulmi et le vieux Méhémet furent tués. Les débris de leur armée se sauvèrent à Schabaz. Les Bosniaques qui voulurent re-