Page:Lamber - Mon village, 1868.pdf/55

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qui était fine mouche et se trouvait grandement choquée des dernières paroles de son promis.

— Oh ! ne te fâche point, ma Rose, dit Pierre ; je vas te l’expliquer, tu me comprendras. Dans les garnisons, vois-tu, on s’ennuie tellement que si on n’avait pas un semblant de particulière, on se rongerait la rate, sans compter que les camarades ne décesseraient de vous poursuivre, nuit et jour, de leurs moqueries. Il faut l’avouer, puisque ça est, on se trouve maintes et maintes fois poussé à gouailler les amours du pays. Mais, tiens, je ne peux trouver rien de mieux à te dire, ma Rose : on a comme deux cœurs, sans quoi faudrait mourir à la peine ; il y a le cœur qui pleure en quittant le pays, les amis, la promise, les parents, et encore le cœur qui saute au bruit du tambour et de la fusillade. Celui qui saute sous l’uniforme enfonce l’autre ; mais son cœur de paysan, on le retrouve en