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RENCONTRES ET ENTRETIENS

pendant un an. Ce journal bien conservé lui servait chaque année. Le jeudi c’était son jour de lecture, il s’enfermait dans sa chambre et repassait le numéro du journal qui correspondait à date dans la semaine de l’année parue. J’ai dit plus haut que le père Bernier me citait des contes, il possédait aussi tout un répertoire de devinettes, anciennes et nouvelles et prenait un innocent plaisir à m’en poser et à jouir de mon embarras. Un jour que nous marchions dans la rue tous deux, nous vînmes à passer devant la grande manufacture du village, dont toutes les machineries en mouvement nous renvoyaient au dehors leur bruit infernal et assourdissant. « Petit, es-tu capable de me dire qu’est-ce qu’il y a dans le moulin qui n’est d’aucune utilité, qui ne sert de rien, quelque chose sans quoi le moulin marcherait quand même ? » Je passai quelque temps à me creuser la tête pour trouver une solution à cette devinette impromptu.

Rendu à la maison, je voulus trouver quelqu’un afin de m’instruire à ce sujet. Mais tous étaient de complot avec grand’père et se riaient de mon embarras. Ce n’est que le lendemain que je sus, que seul le bruit n’était d’aucune utilité dans le travail de la manufacture.