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UN PARRAIN DE MALHEUR

pourtant bien averti de ne jamais accepter d’être parrain pour aucune considération, car, avait-elle ajouté, tous tes filleuls mourront avant d’avoir atteint l’âge de deux ans.

J’étais jeune alors, je ne pouvais saisir toute la justesse de cette recommandation. Ce n’est qu’en vieillissant que j’ai fini par constater que ma mère avait dit vrai.

Puis s’adressant à mon ami : « Je vous avais dit de ne pas me choisir pour parrain. Vous m’avez forcé, j’ai été faible, j’ai accepté et votre enfant est mort. »

En parlant ainsi, le pauvre vieux souffrait, car les larmes qu’il voulait retenir roulaient sur ses joues ridées, et nous disaient assez combien le père Jean était malheureux en pensant à tout cela.

— Étrange ! étrange ! tout de même murmura-t-il. Cinq fois j’ai été parrain, et cinq petites victimes innocentes dorment aujourd’hui dans le cimetière. Étrange ! ces cinq petites victimes sont mortes avant d’avoir atteint leur deuxième année.

— Allons, allons, lui dit mon ami, il ne faut pas vous chagriner à ce point. Vous n’êtes pour rien dans tout cela. C’est Dieu qui dirige tout, et c’est lui qui l’a voulu ainsi.