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vi
préface

ombres vivantes et les prières des pécheurs gaspésiens. Et les signes de croix dessinés sur les guérêts ou sur l’entame du pain nous rappellent d’autres signes de croix, par lesquels nos bonnes gens seront sauvés. Oui, dans cette poésie aux ailes montantes, la nature nous apparaît comme une échelle mystique, comme le verbe sensible d’une pensée divine. Et n’est-ce pas les saisir dans leur réalité belle et profonde, ces choses qui ont été faites pour nous révéler l’Invisible et dont nulle fin n’est supérieure à celle-là ? Là-bas, de l’autre côté, on enrôlerait tout de suite la jeune poétesse, dans l’Amitié de France, dans cette jeune école qui a résolu de faire cesser le paganisme littéraire, par l’alliance renouvelée de la pensée et de la foi et par la remise à la nature de son sens divin. Digne émule de ces jeunes artistes catholiques, Mademoiselle Lamontagne paraît d’avis que « sous notre front lavé par l’eau du baptême, la pensée et les chants mentiraient qui ne seraient pas imprégnés de beauté surnaturelle. »

Mais je ne sais si le recueil ne nous révèle pas davantage le charme du chez-nous. Hélas ! ne le savons-nous pas ? Un divorce existait, et déjà fort ancien, entre la nature de notre pays et nos sens et nos imaginations. C’était devenu la grande mode, presque une esthétique, de s’abstraire de son pays. Trop souvent nos poètes ont refusé de chanter pour nous et ne voulaient manger qu’à la table des dieux. Formés par la seule observation