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vii
préface

indirecte, celle des livres, leur moindre faute fut de jeter sur les choses natales la défroque de métaphores exotiques. Sauf quelques-uns, trop poètes pour pécher si gravement contre l’art, ils nous ont montré la nature la plus détestable qui soit au monde : une nature livresque.

Ah ! que nous voilà changés de tout ce déjà vu et de toutes ces chansons apprises ! Cette fois, c’est bien l’air natal qui soulève les strophes, qui en organise la vie et le rythme intérieurs. Mademoiselle Lamontagne n’admire pas plus qu’il ne faut, les fleurs d’herbier ; celles qu’elle nous offre et qu’elle nous jette à pleines brassées, sont des fleurs vivantes qu’elle est allée cueillir elle-même, dans sa chère Gaspésie, là-bas, au bord du golfe, toutes pleines des senteurs des grèves, des goémons et des montagnes, toutes ruisselantes des embruns de la mer.

Ce qu’elle nous présente c’est du réalisme, et du plus vrai et du plus sain, et du presqu’inconnu dans notre jeune littérature, puisqu’il s’agrémente pour cette fois d’une pointe délicieuse de parfum régionaliste. Sa petite patrie, l’auteur de Par nos champs et nos rives l’a longuement regardée, et, d’un regard si aigu et si amoureux, qu’elle l’a pénétrée jusqu’à l’âme : « Nos poètes, disait M. Adjutor Ricard, dans son bout de préface aux Visions Gaspésiennes… ont bien chanté la grande patrie. Ils ont chanté les blés ; se sont-ils penchés vers le brin d’herbe ? » ” Cette fois, Mademoiselle Lamontagne a chanté le brin d’herbe autant que les blés.