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Pendant que leur fille vivait encore ils lui avaient fait faire un petit plateau d’argent[1] qu’après sa mort ils avaient conservé en souvenir d’elle. Ils l’emportèrent avec eux ; et une fois arrivés au marché de Manh ma ils étalèrent leurs marchandises et avec elles mirent en évidence le plateau à bétel. Un jour, comme la mère était assise auprès de son étalage, elle vit une jeune fille s’arrêter devant elle. Elle lui offrit bien vite du bétel de ce plateau. La jeune fille le reconnut et demanda à la marchande d’où elle était. Celle-ci et son mari lui répondirent : « Nous pleurons toujours notre fille nommée Xuan qui est morte depuis déjà plus de vingt ans, c’est pourquoi nous sommes venus ici espérant l’y rencontrer. » La fille dit : « Où avez-vous acheté ce plateau, et combien ? — « Je l’avais fait faire pour ma fille, répondit la mère, mais elle est morte à l’âge de treize ans. » À ces signes, la fille reconnut ses parents et ils s’embrassèrent tous en pleurant. La mère tenait sa fille dans ses bras et ne voulait plus la laisser partir. Celle-ci proposa à ses parents de la suivre aux enfers pour voir ce qui s’y passait. Ils acceptèrent et la suivirent.

Elle avait épousé un officier chargé de la police dans les enfers. Quand elle amena ses parents dans leur maison, son mari lui dit : « Que viennent faire ici ces vivants ? — Ce sont mes parents, dit-elle, je les ai amenés pour leur montrer comment nous vivons ici, car ils sont riches mais ils n’ont eu d’autre enfant que moi et ne peuvent se consoler de ma perte, »

Le mari lui répondit : « Ce n’est pas souvent que des parents descendent ici, je leur accorde donc d’y rester trois jours, mais pas davantage et je les promènerai dans les diverses chambres pour voir les tourments des coupables[2] ». Entrés dans la

  1. Quà. Plateau sur lequel on sert le bétel, l’arec et tous les accessoires nécessaires.
  2. Il s’agit ici des enfers bouddhiques, Naraka, en chinois dia nguc, prison de la terre. Les grands enfers sont au nombre de trente-quatre sans