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Page:Landes - Contes et légendes annamites, 1886.djvu/111

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XXXV

LE PROCÈS DU XÀ DINH AUX ENFERS.



Dans la province du Binh thuàn vivait un xà truong nommé le xa Dinh. Un jour il reçut de ses supérieurs une convocation urgente. Sur son chemin se trouvait un sanctuaire dédié à une dame très puissante[1]. Quiconque passait devant, quel que fût son rang, devait descendre de palanquin ou de cheval et incliner ses parasols ; qui négligeait ce devoir était puni de mort.

Ce jour-là le xà Dinh, en arrivant sur son cheval à cet endroit prononça cette prière : « Je suis appelé par un ordre très pressant ; il m’a fallu prendre un cheval pour aller plus vite ; la nuit est très noire, j’ai peur d’être mis en retard et aussi qu’il n’y ait par là quelque tigre. Laissez-moi passer tout droit, une fois revenu chez moi, je vous ferai un sacrifice. » Il poussa donc son cheval sans s’arrêter. Mais au bout d’un moment il se mit à vomir le sang[2]. Il lui fallait cependant aller faire son service ; en repassant devant la chapelle, il demanda à la dame de lui rendre la santé, lui promettant de lui sacrifier un porc, mais malgré cela son état ne fit qu’empirer. Il se mit alors en colère

  1. Les Annamites honorent les génies des cinq éléments sous le titre de , dame ; les plus connus sont la dame des eaux (bà thûy), à qui l’on sacrifie surtout près des puits et dans les bateaux et la dame du feu (bà hoa). En général, les petites chapelles sont dédiées aux cinq éléments, ngû hành nwong nwong ou ngû hành chi vi. L’on y sacrifie officiellement une fois par an, les particuliers y font des vœux ou des sacrifices. Il y a naturellement un grand nombre d’autres génies femelles. Ainsi au Binh thuàn la dame Hi (bà co Hi) est particulièrement vénérée. Elle réside dans une montagne (dong), située sur la route qui va de Baria au Binh thuàn et à Hué. Les voyageurs lui font des sacrifices et lui rendent des marques de respect comme il est dit dans le texte. Si quelqu’un passait là avec de beaux habits ou prononçait dans le voisinage des paroles orgueilleuses, il serait puni par la dame.
  2. Les vomissements de sang sont la punition habituelle des sacrilèges.