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LXIII

DETTES POSTHUMES.



I


Un homme avait trois garçons : l’aîné était joueur, il dépensait tout ce qu’avait son père, sans que celui-ci lui dit jamais rien ; le cadet, au contraire, était économe, épargnait tant qu’il pouvait, ne dépensait rien ; le dernier, enfin, ne faisait autre chose que manger, et quand il avait mangé se couchait.

Les trois garçons moururent le même jour. Le père fut désolé de cette perte et, après l’enterrement, fit faire par un sorcier la cérémonie danh thiêp[1], afin de pouvoir descendre aux enfers chercher ses enfants.

Aux enfers le père rencontra ses trois fils qui se promenaient à cheval. Il fut tout joyeux et les appela, mais les deux aînés passèrent sans même le regarder, le dernier seul arrêta son cheval. Le père courut à lui, l’embrassa et lui dit en pleurant : « Comment avez-vous été assez ingrats envers votre père pour le quitter ainsi ? J’ai fait faire par un sorcier la cérémonie danh thiêp pour venir vous chercher ici. » L’autre lui répondit : « Nous ne sommes pas vos fils. L’aîné était votre créancier, en jouant il dépensait vos biens, et vous ne lui disiez rien ; le cadet au contraire était votre débiteur, c’est pourquoi il économisait afin de vous payer ce qu’il vous devait ; quant à moi, je n’étais pas davantage votre fils, j’étais leur témoin. Quand l’un a eu

  1. Dans cette cérémonie le Thây phap s’étend devant la tablette du patron de la secte et, après avoir fait ses conjurations, demeure sans mouvement et sans souffle. Son âme à ce moment descend aux enfers pour en rapporter des nouvelles. Il peut aussi donner cette faculté à autrui comme on le voit dans notre récit.