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et moi nous nous sommes juré d’attendre ainsi que nous ressuscitions, et de ne pas nous enterrer. Puisque vous voulez m’y forcer, je vous prie de m’aider à couper des bambous pour faire un radeau sur lequel je mettrai le cercueil. Je m’en irai ensuite avec lui où le radeau me portera et le village n’aura pas à craindre de démon malfaisant.

Les gens du village l’aidèrent à faire son radeau et à y porter le cercueil de sa femme. Le radeau flotta jusqu’au paradis occidental. Le Bouddha demanda à l’homme ce qu’il venait faire en ces lieux. Le mari lui raconta son histoire et le Bouddha, touché de compassion, ressuscita la femme. Le Bouddha demanda à la femme si elle aimait toujours son mari ; sur sa réponse affirmative il ordonna à celui-ci de se tirer du sang du doigt et de le faire boire à sa femme. Le mari lui obéit.

Au bout de quelque temps, les deux époux désirèrent retourner dans leur pays. Il y avait au paradis occidental un vieux crocodile qui faisait pénitence depuis neuf existences ; le Bouddha lui commanda de ramener les deux époux chez eux. Arrivé à la moitié du chemin le crocodile leur dit : « J’ai grand faim, mon ventre est si léger que je ne puis aller plus loin[1] ; attendez sur cet arbre que je revienne vous chercher. » Il laissa donc les deux époux et alla chercher sa nourriture, mais comme il s’abstenait de chair il ne put manger des poissons et se lesta avec des galets.

Pendant ce temps, les deux époux s’étaient endormis sur leur arbre. Il passa un bateau chinois dont les matelots voyant là une jolie femme l’enlevèrent sans que le mari se réveillât. Quand le crocodile revint la femme avait disparu. Le crocodile réveilla le mari en frappant les flots de sa queue et lui demanda ce qu’était devenue sa femme. Le mari d’abord accusait le crocodile

  1. Nous avons en français une expression équivalente à celle de l’annamite dans « se lester, être lesté. »