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CIX

LE MORT RECONNAISSANT À CELUI
QUI A GARDÉ SON TOMBEAU.



Dans la province de Bâc ninh vivait un pauvre ouvrier. On le réquisitionna pour aller exercer son métier à Huê[1]. Arrivé dans le Nghê an, après avoir passé le bac de la rivière Lâch, il fut subitement pris de maladie, se coucha au pied de la montagne de Kè giàng et mourut. Les termites recouvrirent son corps d’un tertre. Ses enfants ne surent ce qu’était devenu leur père. Il se passa ainsi plus de quinze ans ; les fils devinrent riches et puissants, mais il ne connaissaient pas le jour de la mort de leur père, aussi ne pouvaient-ils lui offrir le sacrifice anniversaire, ce qui les chagrinait extrêmement.

Revenons au tombeau du mort. Dans le village de Kè giàng il y avait un individu nommé Khâ, qui laboura la terre où se trouvait ce tombeau ; voyant que personne ne l’entretenait, il fut touché de pitié et chaque année il le réparait et l’exhaussait. L’âme de l’ouvrier reposait en paix et avait beaucoup de reconnaissance pour Khâ.

Un jour que dans la province de Bâc ninh sa famille lui offrait un sacrifice et que Khâ labourait son champ, cette âme prit la forme humaine et apparut au devant de l’attelage. « Vous labourez bien matin », dit-elle à Khâ. Celui-ci répondit : « Je laboure de bonne heure pour faire des planches et planter

  1. Les gens de métier peuvent être levés ainsi pour le service de la cour ou même de hauts fonctionnaires.