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que vous me rendrez sera aussi grand que la montagne Thâi son. Dites-moi ce que vous comptez faire. »

Châu long répondit : « Vous m’ordonnez d’aller nourrir votre ami ; je n’ai pas souci de la peine, et telle je pars telle je reviendrai, mais vous ne pouvez sonder mes sentiments, n’aurez-vous aucun doute ? » Duong le lui répondit : « Quand même vous failliriez et quitteriez l’ancien pour le nouveau, qui blâmerait une femme difficile à instruire[1] ? »

Châu long prit donc congé de Duong le et s’en alla emportant de l’argent pour nourrir Luu binh et lui permettre de continuer ses études. Au bout de quelque temps elle le rencontra qui poursuivait son chemin en gémissant. Elle l’accosta et eut l’air de lui faire des avances. Luu binh se voyant pauvre et trouvant une femme jolie et riche pensa aussi à lui faire sa cour pour avoir en elle une ressource. Quand ils eurent causé un peu, Châu long dit à Luu binh : « Promettons-nous le mariage. « Luu binh consentit avec joie. Elle le mena alors à la capitale et loua un appartement où ils demeurèrent pendant que Luu binh continuait ses études. Elle supportait toutes les dépenses de la maison, mais quand Luu binh voulait user de ses droits d’époux, elle lui disait : « Quand vous aurez passé votre examen et que vous serez devenu illustre, alors nous nous marierons, sinon non. En ce moment vous êtes encore un ignorant et l’amour vous ferait perdre votre temps. » Elle se fit une chambre où elle se retirait le soir après le repas en la fermant avec soin. Luu binh restait au dehors à travailler.

En trois ans il devint très savant, et quand arriva le moment de se présenter à l’examen, il fut reçu licencié. Châu long, à la nouvelle de son succès, prépara un repas pour le fêter, envoya un palanquin et des parasols à sa rencontre. Ensuite, sans

  1. « La femme est difficile à instruire » est un axiome de provenance chinoise.