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IX

HISTOIRE D’UNE IMPÉRATRICE
DE LA DYNASTIE TONG.



Du temps de la dynastie Trân[1] vivait au port de Quèn, dans la province de Nghè an, un vieux pêcheur. Une année, le premier jour du sixième mois, il se rendait à l’embouchure de la rivière pour pêcher, quand il vit échoué sur le rivage un tronc de bach dàng[2] qui avait soixante thuroc de long et trois thuroc de diamètre. Le vieillard grimpa sur cette souche pour pêcher et se mit à couper son appât avec un couteau en frappant sur l’arbre. Quel ne fut pas son étonnement quand il vit couler de ce tronc d’arbre des flots d’un sang qui répandait une odeur exquise. Il courut faire sa déclaration aux autorités du village qui se réunirent et, apportant du bétel, du vin et de l’encens, vinrent faire un sacrifice. Ils consultèrent ensuite un médium[3] qui dit : « Je suis la femme de l’empereur Tong[4] ; les Nguyên nous ont ravi l’empire, nous ne pouvions demeurer sui’leur terre. Mes trois filles et moi, nous nous sommes jetées dans la mer. Le Ciel a eu pitié de notre dévouement, c’est pourquoi il nous a donné cette puissance surnaturelle, et ce bach dàng a été poussé jusque dans le royaume du midi, qui est le lieu où nous devons

  1. Quatrième dynastie annamite (1225-1414).
  2. Bois odoriférant dont on se sert dans les sacrifices.
  3. Dong. Sur le rôle de ces médiums en qui l’esprit inconnu s’incarne passagèrement pour parler par leur bouche, voir Excursions et Reconnaissances, III, 139.
  4. La dynastie des Tong méridionaux dont il est question ici régna en Chine de 1127 à 1278. Elle fut détruite par Kublai khan, fondateur réel de la dynastie Nguyên (1260-1295), bien qu’il ait décerné les titres impériaux à quatre de ses ancêtres.