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XIX

MARIS.



Il y avait un village où les hommes avaient peur des femmes et où c’étaient celles-ci qui gouvernaient la maison. Chaque jour elles profitaient davantage de leur supériorité ; si bien qu’un jour les hommes ne pouvant plus supporter leur sort se réunirent à la pagode. « Il est dit dans le Gia thât[1] dirent-ils : L’homme commande, la femme obéit. Où nos femmes ont-elles pris le droit d’abuser ainsi ? Si cela continue nous serons l’objet de la risée universelle. » Ils se jurèrent[2] donc que aussitôt que dans leur ménage une femme parlerait trop haut, ils appelleraient au secours et l’attacheraient pour l’exemple. Un mandarin qui habitait le village s’était mis du complot et avait juré qu’au moindre bruit il enverrait ses agents pour prêter main-forte.

Or, pendant que les hommes délibéraient dans la pagode, les femmes s’étaient aperçues de leur absence. Elles se demandèrent les unes aux autres : « Que peuvent-ils bien faire tous ensemble. » Là-dessus elles se mirent à leur recherche. Arrivées à la pagode elles poussèrent un cri : « Les voici ! » et elles se précipitèrent chacune pour saisir le sien.

  1. Livre d’instruction sur les rites, en Chinois.
  2. Huyët thé ; serment par le sang, qui se jure en buvant le sang d’une victime.