Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/178

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éternellement, sans l’intérêt vaudrait , soit  ; une terre rapportant tous les ans vaudra , soit encore , autant que la première. Or une réflexion simple, avance Lehr, nous dit que le capital qui représente la somme des rentes d’une terre ne peut être infini, que le capital qui donne trois fois plus de rente qu’un autre doit valoir trois fois plus que celui-ci[1].

Mais pourquoi donc une terre n’aurait-elle pas une valeur infinie ? Imaginons une société dans laquelle l’intérêt n’existe point. Les terres s’y loueront ; elles se transmettront de l’un à l’autre par échange, par donation ou par héritage. Elles ne se vendront sans doute pas, puisqu’elles ne pourraient se vendre qu’à un prix infini ; et par suite il n’y aura pas lieu d’éta-

  1. Grundbegriffe und Grundlagen der Volkswirtschaft, Leipzig, 1893 p. 334. On peut se demander si le raisonnement de Lehr ne s’appliquerait pas, en même temps qu’aux terres, qui donnent au revenu éternel à ces biens qui d’eux-mêmes se reproduisent, et d’où sortent des générations indéfinies de biens pareils. Le cas de ces derniers biens paraîtra même tout d’abord encore plus étrange que celui des terres. S’il n’y a pas d’intérêt, un grain de blé vaudra a en tant que denrée alimentaire, il vaudra an en tant que de ce grain peuvent sortir une infinité de grains valant chacun a : il aura donc une double valeur, ce qui est contradictoire. Mais en fait le grain de blé ne peut guère germer que dans une terre ; et les propriétaires fonciers loueront leurs terres à un prix tel que les cultivateurs ne retirent de leurs travaux, outre l’équivalent des semailles faites par eux que la rémunération de leur travail ; c’est même la l’utilité principale de la terre, et la source principale des rentes foncières. Ainsi le propriétaire foncier dont le concours est ici nécessaire, s’appropriera la faculté de reproduction qui est dans le grain de blé, et celui-ci n’aura qu’un prix sur le marché, le prix déterminé par son utilité comme objet de consommation. Pour ce qui est des vaches, qui valent A par la quantité de travail qu’elles fournissent durant leur vie et par la quantité de viande de boucherie qu’elles représentent, mais qui d’autre part peuvent produire une lignée indéfinie de bêtes pareilles à elles-mêmes, je répéterais ce que je viens de dire des grains de blé. Il y a cependant une différence entre le cas du grain de blé et le cas de la vache : celui-là doit être ou mangé, ou semé, celle-ci fournit du travail, fournit de la viande, et en outre se reproduit. Si donc un vache pouvait être élevée sans terre, et sans produits de la terre, alors le travail de la vache se louerait, sa viande se vendrait a un prix fini ; mais la vache en âge de se reproduire ne se vendrait pas, cette vache ne se louerait pas pour la reproduction.