Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/189

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la prévoyance capitalistique se manifeste par le renoncement temporaire à une jouissance, comment s’appliquera-t-elle à ces cas où il s’agit de s’éviter une peine future ? Un individu est assuré d’avoir à souffrir, au bout d’un certain temps, une peine qu’il évalue à 10 ; on constate que cet individu, pour s’éviter cette peine, ne dépensera pas dans le présent plus de 9. À la rigueur, s’il s’agissait d’un bien positif à se procurer, on pourrait parler d’un sacrifice — représenté par la nécessité de l’attente —, lequel sacrifice, s’ajoutant à la dépense présente, ferait une somme égale au bien futur que l’on recherche. Mais de quel sacrifice parlera-t-on ici, comment, par le mode que les théoriciens de l’abstinence ont adopté, égalera-ton la dépense à l’avantage recherché, puisque par hypothèse la peine que l’on veut s’éviter n’est pas encore ressentie[1] ?

Ainsi raisonne Böhm-Bawerk. Son objection n’a de force que si l’on interprète la théorie de l’abstinence dans un certain sens, et dans un sens qui n’est pas conforme à la pensée des auteurs de la théorie. Pour Böhm-Bawerk, la théorie de l’abstinence établirait les frais de l’opération capitalistique en additionnant d’une part la dépense, l’avance du capitaliste, d’autre part l’attente à laquelle le capitaliste se condamne, et Böhm-Bawerk entend : l’attente de ce produit, de cet avantage particulier que le capitaliste retirera de son opération ; alors Böhm-Bawerk de demander : en quoi l’attente est-elle un sacrifice, quand on travaille à s’éviter une peine future, c’est-à-dire une peine qu’on n’éprouve pas encore ? Mais il est permis et il convient d’adopter une autre interprétation. Ce qui, dans l’opération capitalistique, aggrave

  1. Pp. 631-633 ; c’est à Marshall que Böhm-Bawerk adresse cette objection.