Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/33

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sert plus d’une fois »[1] : il est vrai qu’après avoir donné au mot capital ce sens tout à fait étendu, il distingue parmi les capitaux ceux qui sont naturels et impérissables — les terres —, ceux qui sont naturels et périssables — les personnes —, et ceux enfin qui sont artificiels et périssables — les maisons, les usines, les outils, les meubles — ; qu’il nomme ces derniers « capitaux proprement dits » parce qu’ils donnent des intérêts, tandis que les autres obtiennent des fermages ou des salaires[2].

  1. Éléments d’économie politique pure, 4e éd., Lausanne et Paris, 1900, § 167.
  2. §§ 170-172, 174-177. Les définitions des trois sortes de capitaux ne sont pas toujours conformes à la réalité : Walras le remarque lui-même pour les terres au § 174. — Pour ce qui est de la monnaie, Walras ne la compte pas parmi les capitaux : « au point de vue de la société, dit-il au § 178, la monnaie est un capital, car elle sert plus d’une fois à faire des paiements ; au point de vue des individus, elle est un revenu ; car elle ne sert qu’une fois, vu qu’on ne l’a plus dès qu’on s’en est une fois servi pour payer ». Ne prête-t-on pas cependant l’argent moyennant intérêts ? Oui, mais ce prêt équivaut à celui d’un bien réellement utile : « théoriquement, il est indifférent au capitaliste de prêter aussi bien qu’à l’entrepreneur d’emprunter un capital neuf ou déjà existant, ou le prix en monnaie de ce capital ; au point de vue pratique la seconde combinaison est très préférable à la première. — Ainsi le taux de l’intérêt se manifeste bien sur le marché du capital numéraire ; mais en réalité il se détermine comme taux du revenu net sur le marché des capitaux. La clef de toute la théorie du capital se trouve dans cette élimination du prêt du capital en numéraire et dans la considération exclusive du prêt du capital en nature. Le marché du capital numéraire, qui est un avantage pratique, [n’est] qu’une superfétation théorique » (§§ 235, 255). Ces vues de Walras sont en un sens très justes : l’emprunteur qui se fait prêter de l’argent ne désire pas cet argent, mais ce qu’il pourra se procurer grâce à lui, et par là on se rend compte que le prêt d’argent cache toujours un autre prêt. Seulement ce qui est prêté, je veux dire ce à quoi le prêteur renonce — et qui, l’agent servant d’intermédiaire, n’est pas identique à ce que se procure l’emprunteur —, qu’est-ce donc ? ce sont des utilités, toujours, ce sont des consommations immédiates. Si même on cherche le capital, comme fait en somme Walras, dans les biens qu’on acquiert par le renoncement capitalistique, non dans ceux auxquels on renonce, la définition de Walras ne se trouvera pas justifiée : le capitaliste entrepreneur ne crée pas seulement, n’achète pas seulement des biens durables ; les revenus qu’il obtient proviennent aussi des matières premières, non durables, qu’il emploie ; l’entrepreneur qui fait valoir l’argent d’un capitaliste obtiendra de même les intérêts qu’il doit en ouvrageant