Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/354

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être déterminé — d’une certaine façon et dans une certaine mesure — par celle distribution. Mais la distribution et la population ne sont ni l’une ni l’autre indifférentes. Et les opérations capitalistiques des individus ont souvent une influence sur elles.

Par exemple, l’adoption d’une méthode productive nouvelle dans une industrie aura parfois cet effet, le produit de l’industrie en question étant accru, de diminuer la quantité de main-d’œuvre employée. Au point de vue de l’intérêt social, comment les choses se présentent-elles ? On a plus de produit d’une part : mais il se peut que les ouvriers privés de leur occupation ne trouvent pas à s’employer ailleurs, et s’il en est autrement ces ouvriers devront se contenter d’un salaire réduit, faisant baisser du même coup les salaires de tous les autres ouvriers. Au total, en même temps qu’on a plus de produit, on a soit une population réduite, soit une inégalité plus grande de la distribution[1]. La réduction de la population, l’accroissement de l’inégalité ne pourront-ils pas être jugés plus fâcheux que ne sera jugée bonne l’augmentation de la production dont ils sont la condition[2] ?



8. Je viens d’exposer le système des conflits des intérêts particuliers et de l’intérêt général qui résultent, dans l’ordre de la capitalisation, de l’institution de la propriété privée ; je n’ai pas dit — parce que tel n’était pas mon dessein — toutes les raisons pour lesquelles les opérations capitalistiques des particuliers pouvaient ne pas s’accorder avec l’intérêt général.

Ainsi c’est un fait dont j’ai dû parler à bien des reprises, et qui joue un rôle important dans les phénomènes d’ordre capitalistique, que les individus préfèrent souvent une consommation

  1. Pour plus de détails, voir L’utilité sociale de La propriété individuelle. §§ 194-195, et aussi §§ 299-320.
  2. Les théories que j’ai développées sur la distribution des richesses dans son rapport avec l’intérêt social (L’utilité sociale de la propriété individuelle, deuxième partie, section 1) ont fait quelque scandale. On m’a jeté à la tête l’impossibilité — soigneusement indiquée par moi (§§ 269-272) — de déterminer d’une manière mathématique et démonstrative la distribution socialement la meilleure. Ce qu’on ne peut pas me refuser, c’est que la distribution n’est pas quelque chose d’indifférent, que la question du mieux et du pis se pose à propos d’elle. Dès lors, acceptez où n’acceptez pas les postulats que j’ai proposés pour la solution de cette question (§§ 273-278), il faudra bien que vous résolviez la question de quelque façon : il faudra que vous établissiez une certaine balance, dans le cas indiqué plus haut, entre l’augmentation de la production d’une part et d’autre part l’accroissement de l’inégalité — si cet accroissement vous semble mauvais — ou la réduction de la population. Et c’est là tout ce que je demande.