Page:Landry, L’intérêt du capital, 1904.djvu/78

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35. J’ai exposé dans toute sa rigueur la critique que Böhm-Bawerk a faite de la théorie de la productivité du capital. Il faut voir maintenant si cette critique est décisive.

Tout d’abord, prenons une précaution : posons que les instruments de production que nous considérerons, s’ils ne donnent leurs fruits qu’après une attente plus ou moins longue, du moins ne demandent point de temps pour être créés. Je sais que dans la réalité il n’en va pas ainsi : beaucoup d’instruments productifs ne peuvent être créés que moyennant des avances plus ou moins importantes ; comme conséquence, on verra le constructeur percevoir un intérêt pour ces avances, indépendant de l’intérêt que l’acheteur retirera de l’emploi de l’instrument, ou le constructeur encore, s’il l’emploie lui-même ; le prix de l’instrument dépassera le coût de ce même instrument, comme il sera dépassé d’autre part par le prix des produits[1]. Mais il y a lieu d’écarter cette complication, pour simplifier la question, et pour éviter certaines confusions où elle risquerait de nous faire tomber.

Soit, donc, un instrument productif tel qu’il ne puisse pas être multiplié à volonté, qu’il soit rare. Son prix ne sera pas déterminé par son coût, mais par ce qu’il produit. Est-ce à dire qu’il égalera la valeur des produits qu’on en tirera, en sorte que l’intérêt n’apparaisse point ? Non pas forcément. Un bien productif vaut nécessairement les utilités qu’il procure, quand ces utilités doivent être perçues tout de suite. Ne doivent-elles être perçues que plus tard, dans ce cas il peut en aller autrement ; car une utilité varie selon le moment où l’on en jouit, et le fait de déplacer

  1. On retrouvera la même remarque à propos des biens durables de jouissance.