Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/140

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cer, pour un salaire égal ou à peine supérieur au salaire normal, les métiers les plus dangereux ou les plus insalubres.

62. Les dispositions déraisonnables devant le risque. — Nous arrivons à ces dispositions déraisonnables que nous manifestons souvent devant le risque[1]. Quand un risque se présente à nous, nous devrions l’estimer comme il a été indiqué dans la section précédente de ce livre, puis introduire comme correction, s’il y a lieu, ce plaisir particulier que nous pouvons trouver à courir un risque, et agir en conséquence. Mais diverses causes nous empêcheront, le plus souvent, de suivre notre véritable intérêt.

1o En premier lieu, l’amour du risque, dont nous avons parlé, devient facilement une passion, la passion du jeu ; celui qui est possédé de cette passion recherchera les occasions de courir des risques, suscitera des risques pour les courir, même si ces risques — en tenant compte du plaisir que notre joueur trouve à jouer — sont défavorables.

2o Il y a beaucoup de gens qui répugnent à s’exposer à une perte, même lorsque le risque à courir est favorable.

3o Quand l’enjeu, ou la mise, est élevé, la considération de cet enjeu ou de cette mise influera d’une manière excessive sur la conduite de beaucoup de gens. On risque très volontiers 1 pour gagner 1.000, même si l’on n’a qu’une chance de gagner contre 1.999 chances de perdre : le succès des loteries le prouve ; et cependant l’opération est économiquement très mauvaise. Bien peu de gens, d’autre part, risqueront 1.000 pour gagner 1.001 même s’ils ont 1.999 chances de gagner contre une chance de perdre : et cependant l’opération peut être bonne économiquement.

Les diverses fautes qui viennent d’être dites doivent être distinguées avec soin. Le joueur, par exemple, peut se refuser à acheter des billets de loterie : car les chances de gain, à la loterie, sont trop faibles pour qu’il puisse avoir un espoir sérieux de gagner ; elles sont trop faibles, par suite, pour que la loterie puisse lui procurer ces émotions qu’il recherche.

Ces fautes, au reste, ont toutes une assez grande importance pour l’économie. Il n’est pas besoin de le démontrer pour la passion du jeu, ni non plus pour la répugnance à s’exposer à des risques de perte, répugnance qui contrarie l’esprit d’entreprise et en bien des manières met obstacle au progrès. Quant à la séduction du gain, là où les loteries sont interdites[2],

  1. Sur ce point, voir Fisher, Capital and income, chap. 10, §§ 5-6, et Carver, The distribution of wealth (New-York, Macmillan, 1904), chap. 7, pp. 282-283.
  2. Sur les loteries, voir l’article de Heckel (Lotterie und Lotteriebesteuerung) dans le Handwörterbuch der Staatswissenschaften, t. V. On y apprendra, par exemple, que dans la loterie de l’État prussien il a été engagé, en 1898, plus de 65 millions de marks, dans la loterie de l’État italien, en 1896-97, plus de 65 millions de lire, etc.