Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/608

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siècles, dans tel ou tel pays[1]. Mais il importe d’indiquer tout de suite que les résultats auxquels on arrivera par cette recherche ne pourront être qu’approximatifs et qu’incomplets. Les données qu’on possède, tout d’abord, sont en quantité insuffisante. Mais ce n’est pas tout. Trouvons-nous, chez des historiens ou dans des statistiques, des renseignements sur des rentes produites par certaines terres à certaines époques ? pour com parer ces rentes à celles que les mêmes terres ont pu donner à d’autres époques, il faut tenir compte des changements qui ont eu lieu dans la valeur de la monnaie. Si les renseignements que nous trouvons se rapportent au revenu moyen des terres, il faudra prendre garde qu’à l’ordinaire ils nous apprennent le revenu moyen des terres donnant une rente, ou des terres cultivées en général, point celui de toutes les terres : or si dans l’intervalle de deux dates la quantité des terres abandonnées a diminué, soit par suite d’une augmentation de la demande des produits agricoles, soit par suite de perfectionnements de la technique agricole, soit pour toute autre raison, la variation du revenu moyen des terres cultivées ne nous fera pas connaître exactement la variation du revenu moyen de toutes les terres. Souvent, maintenant, c’est du prix des terres qu’il nous faudra induire leur rente : or le rapport de la rente à la valeur des terres change d’une époque à l’autre, puisqu’il n’est point autre chose que le taux même de l’intérêt. Ou bien nous ne connaîtrons que l’histoire des prix des denrées agricoles : mais des variations de ces prix on ne peut inférer avec certitude celles de la rente, puisque la rente dépend, en même temps que d’eux, des dépenses de production et des quantités produites.

À tout ce qui précède, il faut ajouter une remarque encore : c’est à savoir que les variations, d’une époque à l’autre, du revenu des terres sont dues souvent, pour une partie plus ou moins grande, à des travaux qui ont été exécutés sur elles — travaux de défrichement, de drainage, d’irrigation, construction de bâtiments et de chemins, etc. — . Et sans doute, comme nous l’avons vu, le revenu auquel ces travaux ont donné naissance s’incorpore à la rente du sol — cela pour cette raison qu’ils ne créent point des biens distincts de la terre, ou du moins des biens que l’on puisse séparer d’elle, détourner vers une destination nouvelle —. Il n’empêche que si on envisage son origine, il n’est point une rente dans sa totalité, et que son adjonction à la rente, de ce point de vue, est quelque chose de différent d’une variation de celle-ci. Or il est très difficile, quand on constate dans l’histoire d’un pays une hausse du revenu de la terre, de discerner ce qui dans cette hausse représente proprement une variation de la rente qui existait tout d’abord, ce qui représente, par son origine, un intérêt, et ce qui représente une rente nouvelle due à l’application à la terre de capitaux

  1. Sur cette question, voir Schmoller, Grundriss, § 233 (trad. fr., t. IV).