Page:Landry, Manuel d’économique, 1908.djvu/609

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nouveaux — c’est ici l’excédent du supplément de revenu obtenu grâce à ces capitaux sur l’intérêt qui doit leur être attribué — [1].

350. Quelques données. — C’est dans les pays dits neufs que l’on observe les variations de la rente les plus rapides. Le taux selon lequel la population s’y accroît est très élevé, grâce surtout à l’immigration. Des régions qui étaient inhabitées sont colonisées, et la rente s’y forme en même temps que la culture y est introduite. Des régions qui n’étaient que peu peuplées voient leur population augmenter d’année en année d’une manière sensible : les rentes qui y existaient s’élèvent en même temps, et des rentes nouvelles y prennent naissance. Cette histoire, notamment, est celle des États-Unis ; on a calculé que chaque immigrant débarquant aux États-Unis ajoutait plusieurs centaines de dollars à la valeur du sol de ce pays ; et il n’ajoute à la valeur de ce sol que parce qu’il en fait monter la rente. Or ce sont des millions d’immigrants — ; plus d’une vingtaine de millions — qui sont entrés aux États-Unis depuis un siècle.

Mais prenons des pays peuplés et cultivés depuis longtemps. En France, la rente moyenne de l’hectare de terre — si on modifie les chiffres relatifs au passé de manière à ce qu’ils se rapportent à la valeur actuelle de la

  1. On a prétendu parfois que si l’on comptait tout ce qui a été dépensé de capitaux sur les terres pour les mettre en état de produire ce qu’elles produisent aujourd’hui, on arriverait à un total tel, que le revenu des terres apparaîtrait comme constituant pour ces avances une rémunération insuffisante. Et l’on explique ce fait que l’on affirme, non point par des erreurs qui auraient été commises par ceux qui ont dépensé les capitaux en question, mais en représentant que les dépenses nécessaires pour le défrichement ou amélioration du sol étaient jadis, en raison de l’état moins avancé de la technique, beaucoup plus élevées qu’elles ne sont devenues, et en affirmant en même temps que les dépenses nécessaires pour mettre les terres en état de produire exercent, dans chaque époque, une influence notable, sinon prépondérante, sur les prix des produits agricoles, par suite sur le revenu des terres. Mais les deux dernières assertions sont l’une et l’autre très fortement exagérées. Et quant à la thèse qu’elles veulent rendra admissible, même si l’on veut bien oublier qu’elle a besoin de la vérité de ces assertions, et qu’elle s’écroule avec elles, elle apparaîtra comme insoutenable. Les calculs sur lesquels on a essayé de la fonder, ou bien sont par trop fantaisistes, ou bien comprennent parmi les dépenses qui ont créé le revenu des terres des dépenses qui font partie en réalité des frais d’exploitation.
    Mentionnons encore ce raisonnement qui consiste à remarquer que la plupart des terres ne produiraient rien si, antérieurement aux dépenses d’exploitation, des dépenses qu’on pourrait appeler dépenses de fondation n’y avaient point été faites, et à conclure de là que le revenu que donnent les terres est dû tout entier, en général, au capital. Pour comprendre la fausseté de ce raisonnement, on n’a qu’à se reporter à ce que nous avons dit, touchant ce qui doit être imputé au capital et ce qui doit être imputé à la terre des revenus qu’on obtient par l’application de celui-là à celle-ci ; on n’a qu’à considérer que les propriétaires des terres tireraient un revenu de ces terres, même si elles avaient été rendues aptes à produire avec des capitaux fournis par d’autres.