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Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/113

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développer ici à nouveau des thèses qui ont été magistralement exposées par M. Boutroux, par M. Bergson ; je me bornerai à une brève remarque. Quand je disais, tantôt, que la liberté avait sans doute ses conditions inscrites dans le corps, j’employais le mot de traduction : cette traduction, dirai-je maintenant, n’est intelligible que pour celui qui possède le langage de l’original. Faisons un instant cette supposition absurde d’un être qui connaîtrait tout ce qui se passe dans un cerveau, et qui ne saurait pas ce que c’est que l’activité psychique : cet être n’aurait aucune idée des phénomènes psychologiques dont il verrait l’accompagnement matériel. Les faits physiologiques qui se déroulent dans le cerveau ne prennent leur sens complet que lorsqu’ils sont éclairés par l’expérience interne. Ce qu’on voit dans le corps, et qui correspond à la liberté ne peut être compris que si l’on sait par ailleurs ce qu’est la liberté, que si l’on a constaté la réalité de celle-ci. Et ainsi, dire que la liberté de l’âme s’exprime dans le corps, ce n’est nullement nier la liberté, ce n’est nullement se contredire.

En résumé, il faut abandonner à la fois la conception d’une liberté débordant l’expérience, et celle d’un déterminisme absolu. Cette conclusion où nous aboutissons, je n’ai pas voulu y arriver pour concilier la liberté et le déterminisme, pour servir tels intérêts pratiques ou spéculatifs. C’est l’examen des faits qui oblige à rejeter les deux notions que je disais. Ce sont les faits également qui nous révèlent l’existence de la liberté telle qu’elle a été définie tantôt, en même temps qu’ils nous conduisent à adopter l’idée d’un déterminisme universel nullement incompatible avec cette liberté.