Page:Landry, Principes de morale rationnelle, 1906.djvu/120

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sanction est certainement décisive[1] ; mais il n’en va pas de même de sa critique de l’obligation : Guyau a négligé de la lier à celle-là, il n’a pas montré que l’idée de sanction une fois ruinée, celle d’obligation devait s’écrouler à son tour, entraînée par l’autre dans sa ruine ; il n’a pas recherché avec assez de soin quel était le contenu réel de la notion d’obligation : tout ce qu’il objecte contre cette notion se ramène en somme à quelques remarques sur la variabilité des croyances morales auxquelles s’attache le sentiment de l’obligation et sur l’inanité de ce formalisme kantien qui prétend poser l’impératif moral et le définir avant de lui donner aucune matière[2]. Après Guyau, et procédant de lui, comme on l’a dit, jusqu’à un certain point, est venu le prophète de l’immoralisme, Nietzsche : mais outre que l’ardeur polémique, l’enthousiasme de poète de Nietzsche l’emportent souvent au delà de sa propre pensée, on sait que Nietzsche a émis des aphorismes, des boutades même, plutôt qu’il n’a exposé véritablement une doctrine. Et quant à ces philosophes de l’école « sociologique » ou à ces « naturalistes » que nous avons déjà rencontrés sur notre chemin, le point de vue où ils se placent est trop éloigné de celui de la morale rationnelle pour que nous puissions chercher chez eux autre chose que des éléments d’une critique de l’obligation.

Nombreux sont, cependant, les philosophes qui s’en tiennent à la conception traditionnelle de l’obligation. C’est que, comme le dit Nietzsche, « depuis que le

  1. Livre III. J’ai repris cette critique, et ai essayé de la perfectionner sur certains points, dans ma Responsabilité pénale, I, 1, §§ 1 et 3.
  2. Introd., 2, § 1.